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La date qui perpétue l’histoire

du D-DAY à la Libération d’Orléans

Le 16 août 1944 . Libération d’Orléans  

La journée du 16 août 1944, décrite par l’abbé Hubert Ménard, ancien aumônier de l’hôpital d’Orléans.

L’abbé Hubert Ménard

16 août 1944: arrivée des Américains à Orléans. Les explosions n’ont guère cessé toute la nuit. Ce matin vers 5h30 elles se font encore plus violentes et ébranlent tout dans nos chambres, puis elles s’apaisent pour reprendre au cours de la matinée. Les voitures et les auto allemandes circulent toujours dans la ville.

à 14h, parmi le claquement des mitrailleuses et l’éclatement des bombes, il me semble bien reconnaître la voix du canon. Je vais confesser les bonnes vieilles de l’Annexe Petit qui sont passablement nerveuses avec tout ce tintamarre, nervosité bien compréhensible chez ces malheureuses qui ne peuvent quitter leur lit et qui ont déjà subi stoïquement les bombardements précédents.  

Tout à coup vers 15h30, des cris s’élèvent de la rue Porte Madeleine, des vivats, des battements de mains, toutes les manifestations de l’enthousiasme d’une foule en délire. Les domestiques se précipitent pour voir, mais ne reviennent pas. Je descends à mon tour et je m’attends à rencontrer des tanks, des auto mitrailleuses, des motos. Que sais-je , tout, excepté ce que j’aperçois… Une simple formation d’infanterie sur deux rangs de chaque côté de la rue, la tête de colonne est déjà rue des Carmes. Ils sont arrêtés et on peut examiner à loisir, ces fantassins lassés, poussiéreux les vestes légères, pantalons et guêtres de drap kaki, avec le casque rond moins large que celui des allemands.

Les infirmiers ne portent pas seulement la croix rouge sur leur brassard. Elle s’étale sur toutes les faces de leur casque, devant, derrière, à droite et à gauche et sur le sommet. Les canons se sont tus. Les avions ont déserté le ciel. Les mitrailleuses et les fusils sont silencieux. Les allemands sont-ils donc si loin qu’ils ne puissent plus réagir ? Beaucoup le croient et ont quitté les abris sans crainte pour acclamer les nouveaux venus.  Déjà des drapeaux français et américains flottent aux fenêtres. Quelques femmes plus prévoyantes que les autres, arborent des rubans tricolores à leurs corsages. La joie balaye tous les souvenirs qu’ hier encore, on aurait cru immortels. On ne pense plus aux nuits tragiques ou l’épouvante faisait maudire cette guerre inhumaine, on ne se souvient plus des maisons en ruine dans les quartiers mieux ravagés que par un tremblement de terre, on oublie les blessés dont certains resteront infirmes, et les morts qui dorment là-bas, dans les longues tranchées du cimetière, Saint-Marceau, par la grâce des aviateurs dont les frères d’armes entrent dans nos murs. Hélas! les deuils ne sont pas finis. Le calme est bientôt rompu. Un tank allemand s’est installé sur le pont royal.

Vers 16 h, sa pièce et les canons anti chars donnent de la voix. Les tanks et les batteries américaines leur répondent. Des deux rives de la Loire, les mitrailleuses crépitent. Les obus se croisent au-dessus de nous. Ce serait le moment d’être prudent, mais la curiosité l’emporte.  Plusieurs personnes, sans penser qu’on est en pleine bataille, montent dans le petit campanile qui domine l’aile Sud de l’hôpital près de la cuisine. C’est un observatoire merveilleux, mais ils sont repérés presque aussitôt par les jumelles des artilleurs embusqués de l’autre côté; un petit obus qui crève la base du clocheton précipite dans l’escalier ces insouciants. Malheureusement cet avertissement n’a pas suffi. A deux reprises, presque d’heure en heure, d’autres employés montrent leur tête aux fenêtres des greniers voisins et attirent de nouveaux projectiles qui trouent la façade au-dessus de la salle Sainte-Catherine et enlèvent une partie du toit. La leçon, cette fois ci a enfin porté.

Les ambulances commencent à amener les premiers blessés. Monsieur Rocher et moi, nous nous tenons à la Consultation, car le nombre de victimes semble assez élevé. La plupart ont été atteints dans la rue. Certains se sont trouvés pris entre deux feux et sont criblés de balles. Le père gardien des franciscains vient nous relever à 22h, ce qui nous permet de prendre quelques heures de repos à la cave de la cuisine. La canonnade continue toute la nuit.

Le pont Royal a sauté vers 22 heures et nous n’avons plus d’eau et plus d’électricité, et comme le gaz est fermé depuis plus d’une semaine , la situation n’est pas très réjouissante.

Après 4 ans d’occupation allemande, ce sont les troupes du Général Patton qui libérèrent Orléans. Les bombardements alliés touchèrent plus de 3000 édifices faisant de nombreuses victimes. Près de 1000 bâtiments furent entièrement détruits. Les Hospices Civils d’Orléans ont été épargnés par les bombardements, certainement grâce aux croix rouges peintes sur les toitures de l’hôpital. Le 16 août 1944, Orléans était libérée.

Source: Archives APHO. Crédit photos: archives municipales d’Orléans.