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La date qui perpétue l’histoire

du D-DAY à la Libération d’Orléans

A partir de ce 6 juin 2024, le jour du 80e anniversaire du débarquement en Normandie, le D-DAY,

nous allons vous relater chaque semaine  les évènements qui se sont déroulés à l’hôpital et dans la ville, du 6 juin 1944, jusqu’à la libération d’Orléans par les troupes américaines, le 16 août 1944. C’est grâce au journal tenu par l’abbé Hubert Ménard, ancien aumônier de l’hôpital d’Orléans, de 1938 à 1952, que nous pouvons évoquer ces épisodes tragiques de la dernière guerre.

Hubert Ménard, aumônier des Hospices civils d’Orléans de 1937 à 1953.
Chanoine honoraire en 1949.
Décédé aux Hospices d’Orléans le 27 novembre 1953.

« 6 juin 1944 : ce matin pendant une alerte commencée à 7h30, le Directeur nous apprend le débarquement Anglo-Américain en Normandie.

Toute la journée les avions traversent le ciel. On entend des mitrailles au loin. Le  soir vers 8h30, on nous amène plusieurs blessés. Les Anglais ont mitraillé un train de voyageurs en garde d’Artenay. Le conducteur, le mécanicien et un autre employé sont très gravement, atteints. Plusieurs voyageurs ont été touchés. »

Le Directeur Général précité est Georges Carré, directeur des Hospices civils d’Orléans, de 1938 à 1966. Dans son journal, l’abbé Ménard avait relaté les terribles bombardements du mois de mai ( extraits ci-dessous).

« Le 11 mai, on perçoit le ronflement caractéristique des bombardiers lourds américains. Un appareil se détache de l’escadrille et presque aussitôt un sifflement déchire l’air et quelques secondes après des bombes tombent tout près de l’hôpital. Les points de chute sont assez nombreux rue des chats ferrés, rue des Carmes et sur les magasins de la maison Richert et deux autres près de la rue Lionne. On compte 46 blessés et 26 morts.

Le 20 mai, pendant près de 25 minutes, nouveaux bombardements sans arrêt, des explosions, se succèdent, dont certaines rappellent le grondement du tonnerre. Les murs de ma Pension Dubreuil tremblent… Les vagues d’avions se suivent et ne cessent de tourner au-dessus de nous. Nous apprenons que la gare des Aubrais est en flamme; le faubourg Bannier et les rues avoisinantes ont particulièrement souffert. Des chapelets de bombes sont tombées également sur la rue des Murlins et jusque sur le terrain des Groues

Le 23 mai, la sarabande infernale recommence et des bombardiers de plus en plus nombreux lancent leurs bombes pendant 30 minutes. Des centaines d’explosion ébranlent l’air et les avions semblent tourner sur la ville dans un tourbillon sans fin. On a dû couper l’eau, le gaz et l’électricité, et c’est à la lueur des lampes fumeuses de pétrole, puis des lampes à acétylène qu’on examine et soigne les blessés en consultation, parfois dans les caves comme à Froberville. Des bombes sont également tombées sur Olivet, rue de la Mouillère, sur le quai du Fort Allaume, rue de la gare, rue Pasteur, faubourg Bannier, place Gambetta, faubourg Saint-Jean. Les tours de la cathédrale en ont reçu deux. La tour nord a surtout souffert, la tour sud un peu moins. La place Sainte-Croix est jonchée de débris de pierre sculptées. « 

Le 23 mai 1944, a cathédrale Sainte-Croix perd le sommet des ces tours.
Crédit photo: Collection particulière.

« 8 juin 1944: Ce matin, vers 7h45 alerte. Une demi-heure après seulement, les forteresses volantes apparaissent assez loin au nord. Je descends à la cave du directeur. Internes, médecins, employés, enfants de la Pouponnière se sont réfugiés-là, et on commence à étayer les voutes avec de gros madriers. Le bombardement se rapproche et de fait nous apprenons après que le pont de Vierzon a été détruit.

Pont de Vierzon 8 juin 1944:  8h30 du matin, le 8 juin 1944, les quatre cinquièmes du pont s’effondrent. La voie ferrée sera inutilisable de nombreux mois. On distingue très bien au 1er plan les rails de la voie ferrée suspendus entre les arches.
Crédit photo: Collection particulière.

D’autres bombes sont tombées sur la ville, a l’Évêché dans le jardin, une autre au Bon Pasteur, faubourg Bourgogne et d’autres de moindre calibre mais aussi dangereuses, boulevard Alexandre Martin et faubourg Saint-Vincent. Il y a 14 blessés et 5 morts. »

« Le 14 juin, on nous amène aujourd’hui quelques blessés de Beaugency qui a subi un fort bombardement. Le viaduc constitue un but militaire important. Les gens ont été surpris en plein travail. On compte 69 morts.

Le 16 juin, par crainte de nouveaux bombardements du pont royal, la municipalité signale une zone dangereuse aux alentours et sur les deux rives du fleuve. »

A signaler, que le pont Royal a été partiellement détruit les 14 et 15 Juin 1940. En juin 1944, certains habitants fuient de nouveau la ville suite aux bombardements alliés qui s’intensifient. La passerelle est l’unique moyen de franchir la Loire.

Vue du pont Royal en juin 1944. Les piétons peuvent passer d’une rive à l’autre grâce à une passerelle en bois.
Crédit photo: Collection particulière.

 » 21 juin – Ce soir à 7h15 alerte. Il n’y a rien à Orléans, mais 6 avions anglais lancent des bombes à Meung-sur-Loire sur la tannerie Landron et sur la gare. Un directeur de la tannerie est tué. Une maison s’écroule sur toute une famille orléanaise qui s’y était réfugiée. L’homme seul est à peu près indemne avec quelques blessures. Sa femme et ses huit enfants sont morts atrocement . « 

Tannerie au bord des Mauves à Meung sur Loire
Crédit photo: Collection particulière.

« 30 juin : On nous amène un chauffeur mitraillé sur son train près de Neuville aux Bois. Son camarade a été tué à ses côtés. Depuis le milieu d’avril rare sont les jours sans alerte. Parfois le signal d’alerte est à peine sonné qu’on entend passer des avions et qu’une nouvelle alerte commence dans la journée. Les gens bien renseignés nous affirment qu’un tract annonce que désormais il n’y aura plus de bombardements nocturnes parce qu’ils sont trop meurtriers et trop imprécis. Mais cette nuit même des centaines d’avions s’en vont bombarder Vierzon. Il passe au-dessus d’Orléans à l’aller et au retour, comme pour rendre les foules un peu plus sceptiques. »

Il y a tout juste soixante-dix ans, un déluge de feu s’abattait sur les voies ferrées et les quartiers limitrophes de la gare de Vierzon. En dix-sept minutes, mille cinq cents bombes sont tombées sur la ville, lâchées par des avions anglais Lancaster dans un bruit épouvantable, s’ajoutant au fracas des explosions. (Source: Le Berry Républicain)

Vierzon: Le réseau ferroviaire a particulièrement souffert.

« 2 juillet : La leçon ne leur a pas profité. Deux jours sans alerte, ouvre la porte à tous les espoirs. Les semeurs d’illusions vont en profiter. Le bruit court qu’Orléans, et maintenant une ville sanitaire et que, comme telle, elle ne recevra plus la visite des avions. »

« 3 juillet: Aujourd’hui les gens qui croient tout triomphent. Pas une alerte. Ils répètent à tout venant: Vous voyez bien nous avions raison, ils ne viennent plus. »

« 4 juillet: Hélas! Le canard a bientôt les ailes coupées! Ce matin à 1h alerte et re-alerte à 2h15. »

« 5 juillet: Cette nuit à 1h25, après une alerte blanche que je n’ai pas entendue, nouvelle alerte, tirs de D.C.A. très nourris, fusées au nord, vagues d’avions qui bombardent encore les Aubrais et les environs. Pas de blessés. »

« 9 juillet: Ce matin, premier passage de bombardiers, qui se dirigent vers le sud. Dix minutes plus tard, une nouvelle vague vole plus bas et lance 20 bombes sur Olivet à proximité du pont du Loiret, qui est atteint; deux arches s’effondrent. Il n’y a que quelques blessés légers, heureusement. Un homme qui traversait le pont à ce moment à sauté dans le fleuve, et en a été quitte pour un bon bain et pour la peur. »

« 14 juillet: Les mitraillages se multiplient. Tantôt, à 1h, un cultivateur est blessé dans son champ à Férolles. A Checy, près de la route, le même groupe mitraille un camion: Un mort, et plusieurs blessés. Le soir, vers sept heures à Ingré, deux paysans sont également mitraillés dans leurs champs. » 

 » 19 juillet: Cet après-midi, l’alerte est donnée vers 3h15. Pendant près d’une demi-heure on n’entend rien, on ne voit rien. Je parle avec les ouvriers près des ateliers. Tout à coup, du nord, nous parvient le bruit des moteurs. Les bombardiers semblent nombreux. Nous les cherchons dans le ciel, et au moment, même où nous les apercevons, presque au-dessus de la rue porte Madeleine le premier tout à coup tourne à angle droit et se précipite vers l’ouest en piquant.  » Ah,s’écrit l’un des menuisiers courrons à l’abri. Ce n’est pas le moment de faire le mariole.  » Nous sommes à peine au couloir de la pension Roux,que les bombes éclatent sur le faubourg Madeleine, l’usine Jeager et les rues avoisinantes sont copieusement, arrosées, le quai aussi. Un pêcheur a été tué dans sa barque, deux sœurs de Bon Secours, rue Sainte-Anne, qui cueillaient de l’herbe sur la levée ont été projetées en l’air, puis rejetées violemment sur la plage. Le sable, heureusement a amorti le choc. Elles n’ont que quelques blessures légères, mais d’autres sont gravement atteints. il y a 39 blessés et 18 morts . » 

Témoignage de André CHEVRIER, Stéoruellan.

André Chevrier a 14 ans lorsque, le 19 juillet 1944, jour pour jour, samedi dernier, des avions bombardent le quartier Madeleine, à Saint-Jean-de-la-Ruelle. Après toutes ces années, le souvenir reste intact et précis. Ce sont les entreprises Aera et Jaeger, des sociétés fabriquant du matériel d’aviation, et une société d’équarrissage située près de l’actuel Rol-Tanguy, qui sont leur cible. Bilan : 18 morts, 39 blessés et 1 disparu. « Nul n’a jamais su si leur destruction avait été stratégique ou non, car s’il peut y avoir une raison à détruire les premières, rien n’explique que l’on bombarde une entreprise où l’on brûle les animaux morts », explique-t-il. Source: La République du Centre.

 » 20 juillet: Dans l’après-midi, un petit groupe d’avion passe très bas et file vers Saint-Marceau, puis revient vers le nord pour lancer des bombes sur Fleury, rue du Château Gaillard et boulevard Lamartine. Il y a deux morts et quelques blessés graves. « 

 » Le 22 juillet à 9h, une cérémonie est célébrée pour les victimes du bombardement du 19 juillet, à Saint-Jean de la Ruelle et dans la Chapelle des Hospices. Après l’office on a conduit les 8 morts au cimetière de Saint-Marceau. « 

 » Le 4 août: depuis la fin de la semaine, il n’est bruit dans la ville que de l’avancée des Américains en Bretagne. Chez nous à l’hôpital, les Allemands commencent à déménager. Il n’y aura plus ici qu’une Ambulance divisionnaire ce qui présage la proximité prochaine de la ligne de combat. « 

 » Le 8 août, les allemands ont construit en divers endroits de la ville, des murs de chicane antichars surtout au-delà du pont Bannier et sur le pont Royal à la dernière arche, du côté Saint-Marceau. Plusieurs canons antichars sont aussi braqués à toutes les entrées de la ville. »

Canon Pak 40 de 75 mm, le canon antichar de la Wehrmacht, le plus répandu. (c) Image d’archives.

 » 15 août. Les alertes sont presque continuelles depuis quelques jours. Aujourd’hui malgré une alerte donnée une dizaine de minutes avant 9h, nous chantons tout de même une grande messe en ce jour de l’Assomption. Le serment du Père Pierre d’Alcantara, supérieur des Franciscains, a lieu à la fin de la messe au bruit des mitraillettes assez proches. Les vêpres se passent sans incident, mais aux Salve Régina, l’arrivée des bombardiers qui nous survolent très bas, nous fait abréger le salut. Au moment où il se termine, nous entendons les bombes qui éclatent aux alentours du pont. Le soir, les Allemands commencent à faire sauter les munitions à Bricy et à Patay. Au début de la nuit, un terrible orage se déchaîne sur la ville. Le fracas du tonnerre se mêle à celui des explosions et rend le sommeil bien difficile . « 

Sollicitée par le service « protocole et mémoire » de la mairie d’Orléans, l’APHO s’associe aux commémorations organisées par la ville, pour le 80e anniversaire de la libération.

Des extraits du journal de bord de l’abbé Ménard vont être exposés dans l’espace public de la ville de 2 juillet au 23 septembre, exposition intitulée, Orléans à la libération.

« Il faut faire vivre la mémoire, la perpétrer, la transmettre par des évènements, souligne Jean-Pierre Gabelle, adjoint au maire en charge des commémorations. »

Biographie Abbé Hubert Ménard

L’abbé Hubert Ménard a tenu un journal de bord pendant la dernière guerre mondiale en notant les évènements qui se sont déroulés à l’hôpital et dans la ville d’Orléans jour par jour, heure par heure, du mois d’août 1939 au mois d’octobre 1944.

Biographie

Monsieur L’abbé Hubert Ménard est né à Mézières les Cléry le 19 octobre 1887.

Il a été ordonné prêtre le 29 juin 1912.

Mobilisé durant la guerre 1914 – 1918, il fut nommé en 1912 vicaire à Châtillon Coligny.

De 1921 à 1937, il fut vicaire à Saint-Paul. Notre-Dame des miracles

De 1937 à 1953, il est aumônier des Hospices civils d’Orléans où il est nommé chanoine honoraire en 1949.

L’abbé Ménard est décédé à l’hôpital d’Orléans, le 27 novembre 1953

L’abbé Ménard était écrivain à ses heures. Son nom d’écrivain est Jean d’Avignon.