Une École Préparatoire de Médecine et de Pharmacie éphémère à Orléans (1843-1849)
Très peu de travaux ont été publiés sur cette école éphémère.Voici deux articles sur cette école, le 1er écrit en 1941, par le Pr Félix Pancier, pharmacien et directeur de l’École préparatoire de médecine et de pharmacie d’Amiens de 1919 à 1932, et le second rédigé en 2021 par le Dr Guillaume Chadal, présenté dans le cadre de sa thèse soutenue le 12 décembre 2021 au CHU de Tours.
Article du Pr. Félix PANCIER (Pharmacien) publié en 1941
L’ordonnance du roi Louis-Philippe du 12 mars 1840 transformait les « Écoles secondaires » en « Écoles préparatoires ».
Orléans, qui ne possédait pas d’École secondaire, était désignée pour être le siège d’une École préparatoire.
Dans la séance de la Société royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts d’Orléans du 20 décembre 1841, M. le Dr Ranque, Président, présentait un mémoire relatif à l’établissement d’une école préparatoire de Médecine et de Pharmacie et invitait ses collègues à prendre l’initiative des démarches à faire pour doter la ville d’un établissement offrant de grands avantages.
Il existait à Orléans, depuis 1822, une école d’instruction médicale où seuls les étudiants en médecine suivaient les cours des médecins chirurgiens de l’hôpital. Le nombre d’années d’études passées à l’hôpital d’Orléans équivalait aux deux tiers du temps passé dans une faculté : le certificat délivré aux élèves qui avaient suivi les cours ne peut décerner aucun grade, il était signé collectivement du médecin en chef, du chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu et légalisé par l’administration de l’hôpital. L’étudiant pourra alors poursuivre ses études et soutenir ses prochains examens dans une Faculté.
Le 10 janvier 1842 le mémoire du Dr Ranque est transmis au Préfet du Loiret, celui-ci accueille favorablement la demande. Le 12 février 1842, le recteur de l’académie d’Orléans, Poullain de Bossay, écrit au maire d’Orléans, Rousseau, pour lui démontrer la
nécessité de l’établissement d’une école et l’assurer de son entier concours. Le Conseil Général participera à cette dépense pour la somme de cinq mille francs et la Commission des Hospices fournira les locaux et complétera les collections relatives aux divers objets de l’enseignement, Il s’engageait à aménager une partie des bâtiments de la propriété dite « du Baron » de manière à y loger 25 à 30 pensionnaires étudiants en médecine et en pharmacie. Cela constitue une particularité que nous n’avons constatée dans aucune autre école.
Le 15 Janvier 1843, l’ordonnance du roi crée à Orléans une École préparatoire de Médecine et de Pharmacie dont l’ouverture était fixée au 3 novembre de la même année il était stipulé que le prix des inscriptions serait fixé à 35 francs ; que les cours auraient lieu dans l’amphithéâtre du nouvel hôpital ; que les élèves pensionnaires verseraient 600 francs pour être logés, nourris, chauffés et éclairés, et qu’à la fin de chaque année, des prix seraient décernés aux élèves.
Le corps professoral était constitué de la façon suivante :
Clinique interne Dr Jallon.
Clinique externe Dr Vallet.
Physique et chimie Dr Petit, Professeur au Collège.
Histoire naturelle et matière médicale Dr Corbin.
Anatomie et physiologie Dr Debrou.
Pathologie interne Dr Ranque.
Accouchements Dr Payen.
Pathologie externe Dr Lanoix.
Suppléants : Chefs des travaux anatomiques Dr Rochoux, Lorraine, Lepage.
Le manque d’attractivité face à la faculté de Paris, la diminution du nombre d’élèves, la crise économique de 1846, la création de la seconde République portent un coup fatal à cette école : l’administration départementale supprime son budget et si les cours continuent 3 ans, la municipalité retire ses subvention et l’école est définitivement fermée en 1849.
Article rédigé par le Pr Félix PANCIER / Synthèse et résumé par le Dr Denis DAUPHIN
Bibliographie :
Une école de médecine et de pharmacie éphémère : Orléans (1843-1849) Professeur F. Pancier Revue d’Histoire de la Pharmacie Année 1941 111 pp. 36-38
Thèse de Doctorat en Médecine Tours : Guillaume CHADAL : l’éphémère école de médecine et de pharmacie d’Orléans 2021. (Voir ci-dessous)
Thèse du Dr. Guillaume CHADAL présentée le 12 décembre 2021 (extrait)
L’Éphémère École Préparatoire de Médecine et de Pharmacie d’Orléans (1843 – 1849)
Extraits de la thèse pour le Doctorat en Médecine de Guillaume CHADAL, présentée et soutenue publiquement le 3 décembre 2021 au CHU de Tours.
1.Les publications sur l’École de médecine et de pharmacie d’Orléans
De fait, peu de travaux ont été consacrés à cette École. L’article5 du Pr Félix Pancier, pharmacien et directeur de l’École préparatoire de médecine et de pharmacie d’Amiens de 1919 à 1932, est le seul réellement consacré au sujet. Notons qu’il a été publié en 1941 et qu’il a peut-être pu s’appuyer sur des données issues des archives de l’École, dont beaucoup ont brûlé dans l’incendie d’Orléans en juin 1940. Cet article essentiel est malheureusement très bref ; il mentionne que l’École d’Orléans n’aurait eu que 31 étudiants en 5 ans, ce qui « lui donna le coup de grâce » expliquant sa fermeture peu de temps après sa création. Il avance également que « La lenteur apportée par les administrations à créer cette école, les subventions insuffisantes ne semblaient pas devoir lui assurer une longue existence », sans apporter beaucoup de précisions. L’ouvrage de Jean Moline consacré à l’histoire de l’Ecole puis à la Faculté de médecine de Tours n’ignore pas l’existence de l’Ecole d’Orléans et apporte quelques éléments utiles, surtout à titre de comparaison, comme nous le verrons. On trouve aussi, mais de façon éparse, quelques informations publiées par l’Association des amis du patrimoine hospitalier d’Orléans et d’autres par l’Académie d’agriculture, sciences, arts et belles-lettres d’Orléans. L’Ecole préparatoire de Médecine et de Pharmacie d’Orléans n’est donc pas totalement oubliée, mais son existence n’est connue que d’un cercle très restreint de spécialistes.
2.Une existence brève
Une École préparatoire de médecine et de pharmacie a existé à Orléans de 1843 à 1849. De toutes celles qui ont été créées par suite de la loi du 13 octobre 1840, c’est celle qui a eu l’existence la plus brève. Pour comprendre les raisons de cet échec, de multiples sources archivistiques, bibliographiques et généalogiques ont été consultées afin de tenter d’en reconstituer la genèse dans le contexte local et national, d’en retracer son fonctionnement et de comprendre le jeu des acteurs qui s’y sont retrouvés impliqués. Même si l’arrêt brutal de financement de l’Ecole par la municipalité est la cause immédiate de la cessation d’activité, les motifs plus profonds — avoués ou non — de cette décision ont été recherchés. Plusieurs obstacles et difficultés survenus en amont de cette décision ont été identifiés : conflits entre enseignants autour de l’éjection d’Hugues-Félix Ranque (1775-1857) de la direction de l’Ecole dont il avait été l’instigateur et de l’ambition débordante de Louis Jallon (-), qui fut nommé directeur à sa place, le manque d’attractivité face à la Faculté de Paris, la diminution du nombre d’élèves, la crise économique de 1846 à laquelle s’est ajoutée la crue de la Loire, etc. Leur contribution respective à l’issue finale est discutée, mais reste malgré tout difficile à préciser du fait que les sources soient lacunaires. Toujours est-il que cette Ecole créée sous le règne de Louis-Philippe d’Orléans et en partie motivée par cette « filiation » avec la famille régnante n’aura pas survécu à la Révolution de 1848 et au changement de régime.
3.La structuration en École Préparatoire de médecine et de pharmacie
Dans son rapport du 10 septembre 1837, Orfila propose une série de modifications, notamment l’étude conjointe de la médecine et de la pharmacie, et introduit dès lors le terme d’Ecole préparatoire de Médecine et de Pharmacie. Par l’ordonnance du roi Louis-Philippe du 13 octobre 1840, les Ecoles Secondaires deviennent des Ecoles Préparatoires de Médecine et de Pharmacie. Cette ordonnance donne une réglementation précise et uniforme aux écoles. L’ordonnance du 18 avril 1841 instaure qu’à partir du 1er janvier 1843, nul ne pourra obtenir le grade de docteur dans une Faculté de médecine s’il n’a suivi, pendant une année au moins, le service d’un hôpital.
Ces Écoles restent distinctes des Facultés (le baccalauréat n’est pas exigé). Les Écoles Préparatoires ont toutes les mêmes enseignements, à savoir : Art 2 «1° chimie et pharmacie ; 2° histoire naturelle médicale ; 3°anatomie et physiologie ; 4° clinique interne et pathologie interne ; 5°clinique externe et pathologie externe ; 6° accouchements, maladie des femmes et enfants ». Ce qui change également par rapport à la loi relative aux écoles secondaires, est la reconnaissance des années d’études. Alors que celles-ci comptaient jusque-là pour deux tiers de l’enseignement facultaire, l’ordonnance du 13 octobre 1840 précise dans son art.14 : « les élèves des Écoles préparatoires, dont l’organisation sera conforme aux règles prescrites par cette ordonnance, pourront faire compter les huit inscriptions prises pendant deux années pour toute leur valeur dans une des Facultés de médecine », les suivantes ne valant que pour deux tiers des années facultaires. Les Ecoles Préparatoires de Médecine et Pharmacie ne peuvent décerner aucun grade, mais à la suite de l’arrêté du 7 septembre 1846 relatif aux examens de fin d’année, elles pourront certifier les examens des deux premières années au même titre que les Facultés si l’étudiant soutient ses prochains examens dans une Faculté.
4.Le déclin
En 1848, avec la création de la IIème République, l’administration départementale retire à son tour son budget pour l’Ecole préparatoire d’Orléans, par conséquent, le salaire des professeurs est réduit aux seules subventions de la ville toujours versées. Toutefois, ils continuent leurs cours pendant 3 ans.
La subvention allouée par la municipalité ayant été refusée en 1847 et 1848, un arrêté du 8 juillet 1849 signé par Napoléon Bonaparte et Falloux, ministre de l’Instruction publique et des cultes, signe la fin de l’Ecole préparatoire de Médecine et de Pharmacie d’Orléans.
5.Conclusion
Notre étude s’étant cantonnée à l’École d’Orléans dans le contexte national, nous n’avons pas eu l’occasion de rechercher, en miroir, les raisons qui ont conduit au succès de celle de Tours. Cette étude serait évidemment intéressante à entreprendre. De même qu’il serait intéressant de savoir si la disparition de l’Ecole d’Orléans a pu bénéficier à l’Ecole préparatoire de Tours, ce qui n’est pas du tout certain car le chemin de fer a sans doute plutôt détourné les étudiants vers Paris.
Nous remercions le Docteur Guillaume CHADAL pour nous avoir autorisé à publier un extrait de sa thèse pour le Doctorat en médecine présentée et soutenue publiquement le 3 décembre 2021 au CHU de Tours.